Blanche Neige

Service mené en 2020 en collaboration avec le Palais des Beaux-Arts de Charleroi

Reporté en 2021

"Toutes les familles sont des sociétés secrètes. Des royaumes d’intrigues et de guerres intestines, gouvernées par leurs propres lois, leurs propres normes, leurs limites et leurs frontières, à l’extérieur desquelles toutes ces règles paraissent souvent insensées. Nous chérissons la famille plus que toute autre forme de communauté, car elle est la clé de voûte de l’ordre social. Face à la cruauté impitoyable du monde, aux déceptions et blessures infligées par les personnes extérieures qui ont croisé notre chemin, la famille est pour nous un refuge à l’attraction irrésistible, magnétique. Un sanctuaire de joie et de consolation. A voir la manière dont nous vénérons cette structure primitive essentielle et idéalisons sa potentialité, à voir le besoin que nous avons d’un lieu où puiser l’amour inconditionnel qui nous manque, quelle surprise y a -t-il à ce que la réalité de cette « famille » se révèle généralement si déstabilisante ? (…) "

Douglas Kennedy

Elaboration


Le cadre

La famille et les rapports entre les individus qui la composent sont au cœur de nos rapports humains. En réalité, porter son regard sur la famille revient à évoquer l’histoire de l’humanité et des relations entre les personnes. Nul n’y échappe, chacun étant issu d’une famille (même les enfants trouvés ou nés d’un accouchement sous le secret ont des géniteurs et pour certains, multiplient les efforts pour les retrouver) – parfois d’origine, parfois adoptive – et souvent en attente d’en créer une nouvelle. Ces relations sont centrales et conditionnent les rapports entre les humains.

Personne ne pourra contester le fait que depuis des siècles, ce que nous appelons aujourd’hui encore la famille est une réalité en perpétuelle transformation. En Belgique, la famille « traditionnelle » fondée sur le modèle patriarcal, de la femme au foyer et de leurs nombreux enfants s’inscrivaient dans une réalité, celle d’assurer à tout prix la sécurité (économique, patrimoniale, sociale,...) de son existence en tant que structure sociale. A une époque, le mariage était d’abord et avant tout, une alliance et la famille, une structure, pour garantir la protection d’un patrimoine, même minime.

Avec l’ère de l’industrialisation, à ce schéma traditionnel a succédé celui de la famille « moderne » mais cela n’a évité en rien le fait que le mariage est resté pendant des années l’élément clé de la composition de la famille et de son maintien. Tout ce qui sortait de ce schéma paraissait anormal, suspect.

Ces dernières décennies, de nouveaux modèles sont apparus et la famille contemporaine se construit à travers différentes configurations. Elles se composent, se séparent, se recomposent, se marient ou pas, ... elles sont multiples et dans ces nouvelles configurations familiales, pour « faire famille » l’importance est mise sur les relations interpersonnelles entre les membres.

Aujourd’hui la famille doit composer avec les changements liés au marché du travail et à sa législation (congés de maternité et/ou de paternité), avec les avancées significatives (mêmes si bien loin d’être suffisantes) en terme d’égalité entre les femmes et les hommes, et avec l’individualisme notamment...  [3]

Aujourd’hui, les principes fondateurs des droits de l’homme comprennent également le droit au respect de la vie familiale – au sens du droit individuel de chacun à mener la vie familiale de son choix, et l’interdiction de toute discrimination (...) (ce qui entraîne) que le droit ne peut plus imposer un modèle préférentiel unique de structure familiale : l’équilibre entre le rôle de la loi et celui de la liberté individuelle s’est profondément modifié.

Plus précisément les enjeux

Aujourd’hui, la famille présente de nombreuses formes différentes : le couple, axe central de la famille est multiple, le mariage n’est plus la condition ultime pour faire famille, l’enfant et la place qu’il occupe aujourd’hui en terme d’éducation, de procréation par exemple,  entraîne d’autres façons de vivre la famille, ... à cela s’ajoute les liens qui unissent ou désunissent au sein des couples lesbiens les mères de naissance, les mères sociales et les mères biologiques à leurs enfants, les liens qui unissent ou désunissent les parents ou le parent qui adoptent un enfant, ... toutes ces particularités de « composition familiale » offrent autant de structures différentes qui sont reprises sous « l’enseigne » de la famille.

Si l’impact de tous ces changements et adaptations est parfois positif - comme dans le fait de pouvoir plus facilement s’affranchir des normes imposées par la société à travers la famille traditionnelle ou comme dans le fait de permettre aux membres d’une même famille de se définir avant tout comme des personnes relativement autonomes - ces changements entraînent également des bouleversements au niveau de la filiation au niveau de la stabilité du couple qui ne passe plus forcément par la case mariage, au niveau des statuts des beaux-parents par rapport aux enfants dans les familles recomposées par exemples.

De plus, l’enfant est devenu l’élément qui soude et relie le couple et la famille, ce qui implique un engagement en terme d’éducation, de fonction parentale, de responsabilités juridiques, ... bref d’investissement moral et social en terme d’objectif à atteindre pour être « bons parents ».

Ces formes multiples apportent autant de modèles sociologiques différents dont la complexité structurelle est indéniable. Si bon nombre d’experts tels que démographes, juristes, anthropologues, psychanalystes, ... se sont déjà et depuis bien longtemps penchés sur la question, dégageant nombre d’approches, et de points de vue, le nôtre sera celui de l’artistique, et plus précisément celui qui, à partir de la distance fictionnelle, permet le déplacement pour ouvrir à une dimension Autre sur la question.

Le droit de faire famille sera questionné au regard de la mémoire collective, de ce qu’elle a encore à nous dire aujourd’hui, de ce qu’elle porte comme matière à analyser en vue de dégager une dimension critique sur ce qu’est la notion de famille aujourd’hui. Mais qu’en est-il dans la réalité ? Nous sommes convaincus que les possibilités de transformation de la famille ne sont pas accessibles à toutes et tous de la même façon. Ces changements touchent-ils toutes les familles et ce, quelle que soit leur situation économique et/ou leur classe sociale ? Le projet Blanche Neige sera conçu comme un espace propice pour rencontrer un échantillon de familles invitées à une réflexion critique sur le sujet.

Présentation du partenaire

Inauguré à Charleroi en 1957, ce nouvel édifice est unique pour l’époque et demeure aujourd’hui encore l’un des plus beaux complexes de Belgique. La Grande salle de 1800 places, la salle de Congrès principalement dédiée à la musique de Chambre, la Réserve (200 places), les deux salles d’exposition de 1000m2, la brasserie pouvant accueillir 600 personnes répondent à des exigences politiques, artistiques et techniques dans un style mêlant Art déco et Modernisme.

De nombreux aménagements ont eu lieu pour favoriser le confort du public, celui des artistes, accueillir le Point culture et le Musée des Beaux-Arts de la ville de Charleroi. Son histoire recèle une partie de la mémoire populaire de Charleroi - ville ouvrière prospère à l’ère industrielle, et aujourd’hui aux prises avec un présent difficile d’un point de vue social et économique - avec une programmation résolument tournée vers l’opérette et ses chanteurs et musiciens célèbres tels que Lui Mariano ou Paulette Merval, ..).

Des vedettes parisiennes ont fait les beaux jours du PBA comme Annie Girardo, Jean-Paul Belmondo, Jacques Brel et Edith Piaf, ... A partir de 2002, sous l’impulsion d’une nouvelle direction, une politique d’action culturelle et d’éducation permanente voit le jour. Ainsi une équipe a été créé pour assurer un rôle de médiation auprès de tous les publics. C’est dans ce contexte que la rencontre avec Marion Charles, médiatrice culturelle a donné lieu à la construction de ce projet.

Il nous a semblé évident que nos actions en éducation permanente peuvent et doivent se développer également en partenariat avec de telles structures qui dans ce cas précis, forte de son passé ancré dans une histoire particulière, fait le trait d’union entre une ville, une région, ses habitants.es, et son passé industriel. Traversée par différents courants, mouvements politiques, évènements de la cité et du pays, le PBA reflète une part de mémoire collective intéressante à questionner dans un présent qui ne fait pas facilement la place belle à la dimension culturelle et artistique. En effet, les conditions de vie à Charleroi et dans les environs immédiats sont loin d’être les plus enviables pour une bonne partie de la population ce qui rend difficile l’accès pour toutes et tous à la culture.

Ainsi à partir de la proposition du PBA d’intervenir autour, par, avec le spectacle programmé en ses murs – Blanche-Neige histoire d’un prince mis en scène par Michel Raskine d’après un texte de Marie Dilasser [un premier atelier de réflexion, d’analyse critique, de témoignage, de création et de partage sera construit et proposé à un public familial.

Travail préparatoire

A l’image de la vie en société, le noyau familial propose un cadre dans lequel les membres sont souvent consciemment ou inconsciemment en constante recherche de leur place, de leur rôle, de leurs implications, de leurs responsabilités. L’exemple de l’histoire de Blanche-Neige en offre une illustration riche à analyser et à questionner. Dans ce cadre, l’expertise du Théâtre de la parole en terme de récits issus de la tradition populaire orale au sens large (Occident – Continent africain – Orient – Amérique du Sud et du Nord, ...) sera au service de la construction du projet.

En dehors d’une prise de connaissance détaillée du dossier du spectacle, le travail préparatoire consistera :

* À se documenter sur la notion de famille telles qu’elles existent de nos jours en Occident, mais également dans les pays d’où viennent les versions de Blanche-Neige dans leur déclinaison multiple.
* il s‘agira également pour les partenaires de prendre connaissance des différentes versions de Blanche-Neige et de ses motifs récurrents.

Une rencontre avec les artistes intervenants.es dans le spectacle sera organisée afin de mieux cerner les objectifs de la création du spectacle, les points de vue dégagés par les auteurs.trices Lors de cette rencontre les points de vue développés dans le spectacle seront analysés et questionnés de façon critique :

* Pourquoi avoir confié le rôle de Blanche-Neige à un homme et celui du Prince à une femme ?
* Quels liens faire entre l’écriture « dégenrée » et les nouvelles formes de famille ?
* Qu’est-ce qu’un archétype et pourquoi le questionner et comment cela résonne-t-il au sein d’une famille ?
* Pourquoi avoir questionné la violence du couple ?
* Quelle place tient le langage dans la famille ? Quelle famille et quel langage ?

Ensuite une seconde rencontre aura lieu entre l’artiste engagé par le Théâtre de la parole, la coordination, la personne de référence pour le secteur médiation du PBA pour analyser les pistes d’actions possibles les plus pertinentes.

Méthodologie et processus

Dans notre société en perpétuelle mutation, où le.la citoyen.ne peine à trouver sa place, où le jeune et la personne âgée ne parlent plus toujours le même langage, où la communication est partout mais l’échange se fait rare, ce projet se voudra comme un lieu dans lequel les participants.es pourront se poser, s’écouter, ressentir et réfléchir à des questions fondamentales qui habitent l’être humain.

Il s’agira :

* de questionner d’abord, ce qui nous rassemble et ce qui nous différencie les uns des autres au sein d’une même famille ou entre familles différentes. Nous ferons ainsi connaissance avec les dynamiques propres à chaque famille, aux rôles tenus par ses membres, aux relations inter ou intra - familiales, leurs langages propres. Si un second atelier peut avoir lieu, nous tenterons de repérer ensemble les injonctions conscientes et inconscientes qui fondent ce que nous sommes chacun dans nos trajets de vie.
* d’inviter les familles - grâce à la matière solide et éprouvée du conte - de repérer les modes de fonctionnement familiaux à travers le jeu, le rire et le plaisir d’être ensemble.
* d’inviter ensuite les participants.es à un travail réflexif à partir des repères relevés, du récit de Blanche-Neige, tel que présenté dans le spectacle et tel qu’existant dans la tradition populaire dans ses multiples origines géographiques et culturelles.

TEMPS 1 - PERSONNAGES-FICTION ET REALITE*

La famille qui est au cœur de l’histoire de Blanche Neige, évolue. Il s’agit au départ d’un couple composé d’un homme (le roi), et d’une femme (la reine). Une fois l’enfant tant désiré arrivée, la famille « classique » va prendre différentes formes comme par exemple, celle qui sera composée de Blanche-Neige et des 7 nains que l’on pourrait assimiler à une famille monoparentale (un parent – Blanche Neige - et 7 enfants – les « nains »). Cela tout en passant par différentes phases, comme par exemple, le couple monoparental une fois la mère biologique de Blanche-Neige décédée, puis le couple recomposé une fois le roi remarié avec une autre femme (la belle-mère de Blanche-Neige)

Pour qu’il y’ait un conte, deux éléments sont indispensables :

* un protagoniste
* une action.

Autrement dit, il faut qu’il y ait quelqu’un à qui il arrive quelque chose. Les personnages que nous proposent le conte sont dès lors essentiels.

Nous inviterons les participants.es à un inventaire :

Faire un inventaire des personnages
Féminins positifs
Féminins négatifs
Masculins positifs
Masculins négatifs
Les animaux
Les objets
Les lieux

Dans un premier temps, les participants.es sont amenés.es à repérer les ressemblances et les différences entre les deux versions. Les grands aident les petits à formuler.

TEMPS 2 – CRÉER POUR MIEUX COMPRENDRE – ET AGIR**

Nous inviterons les participants.es à une création :

Celle de leur propre version de Blanche Neige.

Les éléments « autres » que les motifs indispensables au bon déroulé de l’histoire qui auront été pointés par l’artiste de la parole en amont, seront ré inventés en fonction des envies de chaque groupe.

Le résultat sera à la fois porteur de la structure de départ du trajet initiatique (le squelette de l’histoire) et proposera dans le même temps une forme (la chair de l’histoire), unique, originale et ludique. Cette nouvelle version sera le reflet d’un acte posé à partir d’une vision personnelle, nourrie par l’analyse, la confrontation et l’échange sur la famille.

La nouvelle version sera enregistrée au fur et à mesure de sa création. La matière sonore sera confiée à un créateur sonore qui fera le montage nécessaire pour que chaque famille garde une trace sonore de la version « familiale » de Blanche Neige, sa version de la famille dans toutes ses multiplicités.

Le temps de montage se fera dans un temps à part des ateliers et les fichiers sonores seront transmis après le spectacle à chaque famille sous forme à définir (mp3 audio, CD, ..)

Tout au long de cette phase des jeux et des exercices ponctueront le temps afin de proposer des parenthèses ludiques aux grands comme aux petits.

POURQUOI LE CONTE DE BLANCHE NEIGE***

Il nous a semblé évident de par l’expertise du Théâtre de la parole avec différents publics depuis 20 ans, et dès les premiers échanges avec le partenaire, que le conte de Blanche Neige (et aussi tel que revisité dans le spectacle) avait toute la teneur nécessaire au questionnement et à l’analyse critique de la famille.

S’il est un modèle patriarcal par excellence, ce conte figure en bonne place du fond culturel et commun en Occident, même de façon fragmentée.

* Le couple recomposé offre à voir une première transformation de ce qui fait famille.* Le trajet de l’héroïne qui quitte la maison familiale suite aux menaces de la belle-mère permet d’aborder plusieurs sujets :

  • La violence au sein d’une famille
  • La jalousie féminine (mère et filles et relations intra familiales)
  • Rôle des membres de la famille, en l’occurrence ici rôle du père
  • Le mariage avec le prince permet de questionner l’arrivé de l’Autre, en tant qu’étranger.ère mais également en tant que membre de la famille par le mariage.

Dans ce cas précis et grâce au support du spectacle que les participants.es auront pu visionner, lors d’un second atelier pressenti, d’autres sujets pourront être abordés :

  • Le spectacle aborde l’après mariage de Blanche-Neige avec le prince, ce qui permettra d’ouvrir la discussion aux familles qui voient les enfants quitter le « nid » familial.
  • Il présente un couple dysfonctionnel, ce qui permettra d’aborder plus facilement la question
  • La parole de Blanche-Neige est féministe ce qui permettra d’aborder la place de la femme, dans son rôle de mère et d’épouse également dans la famille

Il s’agira aussi de mieux comprendre les détournements utilisés dans le spectacle, pour ouvrir le dialogue entre les membres d’une même famille et des familles entre elles autour des trajectoires des personnages, des obstacles rencontrés, des lieux traversés, des espace-temps vécus par les personnages, des sentiments véhiculés tout au long du récit et dans toutes les versions.

LES ENJEUX****

Parce que dans les sociétés occidentales, les changements inhérents à la famille tels que l’augmentation des divorces ou la diminution du nombre moyen d’enfants suscitent des remises en question et des interrogations.

Parce que si la famille peut représenter le lieu même de la préservation et de la transmission des valeurs, elle peut être également le lieu des inégalités entre les sexes, lieu d’oppression des femmes par le patriarcat.

Parce que dans la société de plus en plus « morcelée » la famille peut devenir le lieu de construction mais aussi de déconstruction des identités personnelles, culturelles et sociales.

Parce que dans un contexte de crise, face à de nouvelles conditions de vie, nous sommes à l’aube d’un changement profond quant à nos modes de relations avec le milieu social, professionnel mais également quant à nos modes de relations à l’intérieur même de la famille. Il est clair que ce bouleversement risque d’influencer en profondeur les relations entre les membres d’une famille, cela avec tous les risques que cette situation comporte pour les familles déjà fragilisées par une situation économique, écologique, sociale toujours plus difficile.

Au vu de tout cela, il nous paraît pertinent de s’attarder sur la notion de famille aujourd’hui, et le projet Blanche-Neige nous le permettra de la façon la plus accessible qui soit.

TRAITEMENT DES ENJEUX PAR LE CONTE*****

Les dernières mutations sociétales ont laissé la place à une organisation matriarcale, où la négociation est présente dès le plus jeune âge. Ces jeunes qui discutent, qui négocient, qui remettent en question vont créer la société de demain. Ce projet qui s’appuie sur une histoire de famille, sera un espace/temps de partage transgénérationnel où chacun.e pourra s’exprimer sur :

  • La place qu’il occupe ou pense occuper dans la famille
  • Comment il.elle perçoit la place des « Autres » dans la famille
  • Comment pense-t-il.elle que la famille dans laquelle il.elle vit s’inscrit dans la société ?
  • Comment et pourquoi accueillir les « nouveaux » membres d’une famille (père, mère, demi-frère, demi-sœur,  ..)
  • Quels sont les droits, les « devoirs », les fonctions à assumer dans sa famille
  • Face aux mutations économiques, culturelles et sociales, quels sont les moyens de résistance, de résilience, de la famille dans laquelle je vis ?

Nous questionnerons Ainsi chaque nouvelle forme qui viendra interroger les représentations d’une famille composée d’un papa et d’une maman biologiques pourra être questionnée.

POURQUOI LE SUPPORT DU CONTE******

Le conte est par essence, une matière vivante faite de multiples couches qui se sont accumulées, croisées, tissées au fil d’un temps indéfini et auprès de milliers de voix. Cette matière suscite la création et le développement d’images mentales qui facilitent la compréhension et rendent les récits accessibles à un large public sans qualification particulière.

La structure propre au conte (et plus particulièrement celle des contes merveilleux) offre un support solide, sur lequel le.la conteur.se peut s’appuyer pour rencontrer un public dans une vraie relation c’est-à-dire qui permet et invite à réactions pendant le fil du raconté, dans l’instant et en lien avec l’artiste. Ce qui permet de préserver sa qualité vivante, le mouvement continu entre la parole non figée et son écho auprès d’un public « écoutant ».

A partir de la structure commune aux contes merveilleux et puisque l’écriture du spectacle en respecte la structure, il est possible de se faire rencontrer les deux formes à travers un questionnement qui transcendera les deux supports pour aborder une des réalité(s) vécue(s).

Objectifs


  • Le conte « en spectacle » comme outil de connaissance de soi et de l’autre
  • Repérer ce qui est « le même » et ce qui est « l’autre » à travers une histoire et ses diverses versions,
  • Le conte comme vecteur d’échange au sein d’une famille
  • Le conte comme outil de re-connaissance des langues maternelles
  • Le conte comme outil de structuration du langage,
  • Autour de ces ressemblances et de ces différences et grâce à un projet concret, rechercher avec les familles à trouver les chemins de la solidarité et d’une meilleure connaissance de la place et des rôles de chacun.
  • Proposer une lecture la plus complète possible de la matière abordée en vue de rendre accessible le spectacle proposé

Mobilisation du Public

Nous avions en projet de rencontrer les familles désireuses de suivre l’atelier en amont afin de créer une relation basée sur la confiance, de présenter le projet, d’initier les premières étapes de travail pour dégager les pistes concrètes à partir des questionnements proposés. Vu le contexte dans lequel se construit le projet cela semble difficile. Notre objectif sera d’arriver à mener l’atelier malgré la crise sanitaire et le peu de perspectives quant à la ré-ouverture des lieux culturels afin de rencontrer des familles et participer à notre niveau à re-créer du lien.

Pistes d'utilisation


Le Théâtre de la parole part d’un schéma type à partir duquel naissent et se développent les déclinaisons propres aux nécessités de chaque projet 

Schéma type

  • Exercices d’échauffement  et de cohésion du groupe/famille : différents exercices de voix, d’espace et de jeux dans le plaisir et la légèreté, dont l’objectif est de créer une atmosphère de concentration et de plaisir. 
  • Développement des images mentales par le jeu, les exercices concrets et la parole.
  • Repérage de la structure globale du conte en mettant en évidence la trajectoire du héros ou de l’héroïne et des épreuves qu’il/elle a à affronter. 
  • Repérage des « motifs » propres à l’histoire et comparaison avec d’autres versions dans le monde. Repérage des différences et des ressemblances pour une meilleure connaissance de l’Autre dans ce qu’il a de même et de différent.
  • Développement de la pensée sur l’histoire ou quel est mon point de vue sur l’histoire, qu’est-ce que l’histoire veut dire pour moi.  
  • Découverte du spectacle lors d’une représentation au Palais des Beaux-Arts

Temps d'écoute

Dans un premier temps (après les jeux et les exercices de dynamisation du groupe), l’artiste de la parole présente la version des Frères Grimm et invite tout le groupe à participer à la reconstruction de cette version.. 

Dans un second temps l’artiste raconte de façon courte et concrète la version berbère.

Personnages - fiction et réalité

Pour qu’il y’ait un conte, deux éléments sont indispensables :

- un protagoniste
- une action.

Autrement dit, il faut qu’il y ait quelqu’un à qui il arrive quelque chose. Les personnages que nous proposent le conte sont dès lors essentiels.

Nous inviterons les participants à un inventaire:

Faire un inventaire des personnages

  • Féminins positifs
  • Féminins négatifs 
  • Masculins positifs
  • Masculins négatifs
  • Les animaux
  • Les objets
  • Les lieux

Dans un premier temps, les participants repèrent les ressemblances et les différences entre les deux versions. Les grands aident les petits à formuler.

Les éléments sont rassemblés de façon telle pour que tout le groupe puisse les voir.

Nous inviterons les participants à une création:

Les participants créeront leur propre version de Blanche Neige.

Les éléments « autres » que les motifs indispensables au bon déroulé de l’histoire qui auront été pointés par l’artiste de la parole en amont, seront ré inventer en fonction des envies de chaque groupe. Le résultat sera à la fois porteur de la structure de départ du trajet initiatique (le squelette de l’histoire) et proposera dans le même temps une forme (la chair de l’histoire), unique, originale et ludique.

La nouvelle version sera enregistrée au fur et à mesure de sa création. Un créateur sonore qui fera le montage nécessaire pour que chaque famille garde une trace sonore de la version « familiale » de Blanche Neige. 

Le temps de montage se fera dans un temps à part des ateliers et les fichiers sonores seront transmis après le spectacle à chaque famille sous forme à définir (mp3 audio, CD, ..)

Tout au long de cette phase des jeux et des exercices ponctueront le temps afin de proposer des parenthèses ludiques aux grands comme aux petits

Support


Version 1

Blanche Neige
Texte des Frères Grimm

Cette version est choisie dans le but précis de servir de point de repère à la version « revisitée » par l’auteur du spectacle Blanche Neige, histoire d’un prince.  Ceci permettra de partir d’une version dans laquelle les étapes de la trajectoire de Blanche Neige sont facilement repérable, mais aussi d’une version connue d’un large public grâce notamment au travail de Walt  Disney.

Un roi et une reine n’ont pas d’enfant. La reine chaque jour à sa fenêtre brode en souhaitant une fille à la peau blanche comme la neige, aux lèvres rouge sang et aux cheveux noirs ébène. 

Une petite fille vient au monde identique au souhait de la reine qui meurt.

Le roi se remarie. La nouvelle reine, marâtre de Blanche Neige veut être la plus belle. Chaque jour elle demande à son miroir magique qui est la plus belle et chaque jour le miroir répond que c’est elle. Jusqu’au jour ou Blanche Neige devenue grande, le miroir répond que c’est Blanche Neige la plus belle. La reine demande au chasseur du palais d’emmener Blanche Neige dans les bois et de la tuer, de lui rapporter son cœur.

Le chasseur a pitié de Blanche Neige, lui propose de fuir et tue une biche à la place. Blanche Neige trouve refuge dans une petite maison de la forêt ou habitent 7 nains qui l’accueillent. Elle reste dans la maison pendant que les nains partent à la mine. 

La reine apprend que Blanche Neige vit toujours. Elle se déguise en vieille femme, trouve la petite maison, et propose à Blanche Neige un peigne pour ses cheveux, qui une fois placé plonge Blanche Neige dans un profond sommeil.

Les nains trouvent le peigne et Blanche Neige revient à elle. Les nains la mettent en garde et lui demandent de se protéger. Mais la vieille femme revient, insiste et propose à Blanche Neige un lacet pour son corsage. Tout se passe comme pour le peigne.

La vieille femme revient une troisième fois et propose une pomme que Blanche Neige croque et elle s’effondre. Les nains ne parviennent pas à la réveiller, la croient morte et lui construisent un cercueil en verre tant sa beauté est grande. Ils transportent le cercueil dans la forêt.

Un prince vient à passer, voit la belle, tombe amoureux et demandent aux nains de transporter le cercueil jusque dans son palais. Ce qu’ils font. En route un des nains trébuche, le cercueil se fracasse et le morceau de pomme coincé dans la gorge de Blanche Neige, est expulsé, elle se réveille, tombe amoureuse du prince. Ils se marient. La vielle sorcière est punie et doit danser avec des souliers de fer chauffés au rouge jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Version 2

Dame Khadrafi
Version issue du recueil « Contes et légendes de Ouargla : contes merveilleux plaisant », collectés par Jean Delheure

Version berbère

Cette version propose une autre façon d’envisager le rôle des personnages tout en préservant le sens et la symbolique nécessaires à la trajectoire de l’héroïne.

Elle servira de contre-point, d’angle de vue différent pour permettre d’aborder l’histoire à partir d’un regard neuf sur une version peu, voire pas connue du grand public.

Un riche marchand et son épouse sont sans enfant. Elle voudrait une fille, plus que tout et demande chaque soir à la lune. Un jour, elle tombe enceinte et met au monde une petite fille magnifique. Si belle que tout le monde l’aime.

La mère et la fille vivent heureuse jusqu’au jour où le père annonce son voyage pour acheter des marchandises très loin. Il demande à son épouse ce qu’elle veut qu’il lui rapporte comme cadeau. La femme demande des miroirs. L’homme part, ne revient jamais mais il fait expédier un coffre avec des miroirs de toutes les sortes.

Chaque jour la femme plonge son regard dans un miroir mais à chaque fois le miroir répond que la petite est plus belle qu’elle. La petite devient grande et un jour sa mère la traîne jusque dans une oasis et lui demande de remplir un seau avec une passoire. La petite s’exécute et pendant ce temps-là la mère l’abandonne.

Le lendemain matin, le seau est toujours vide et la petite épuisée. Des ogres arrivent de l’autre côté de la rivière, 7 frères-ogres. Ils l’emmènent chez eux dans une grotte. Elle reste là et fait la cuisine pendant qu’ils partent. Elle grandit encore. 

Un jour un colporteur passe par là et reconnaît la petite. Il va prévenir sa mère. Elle lui demande alors d’y retourner et de lui vendre ..

La jeune fille tombe sur le sol inerte et au retour des ogres qui la croient morte ils la placent sur une chamelle blanche …

Un prince apprend ...

Diffusion


  • Réalisation

Le travail de création sonore qui sera réalisé tout au long du (des) atelier(s) servira de support d’accroche pour présenter le service à d’autres publics. Mais il pourra servir également de déclencheur d’une action autre, avec d’autres familles, dans un autre contexte. Une adaptation sera nécessaire puisque le spectacle ne sera pas utilisé comme exemple de déconstruction d’une version du récit original.

Ce support sonore sera présenté sur le site du Théâtre de la parole en plus d’avoir été confié à chacune des familles qui aura participé et dont les exemplaires originaux resteront la propriété du PBA, producteur de cette partie du projet.

  • Action de diffusion

Ce projet s’inscrit dans une thématique déjà abordée par le passé à travers la création d’un spectacle pour les familles au Théâtre de la parole et reconnu comme outil pédagogique. Ce support était accompagné du texte du spectacle et d’ateliers sur la famille recomposée à travers le couple, et les relations entre la nouvelle épouse, et la petite fille née de la première union.

Avec cette nouvelle approche le spectre de la réflexion s’élargit aux autres formes familiales partant de ce qui sera dans la réalité de la rencontre avec les participants.es.

Ainsi nous pourrons diffuser les deux supports qui se complètent et renforcent la réflexion à travers du types d’action.

Le service sera proposé à La Ligue des Familles, dans les plannings familiaux, à l’Ecole des parents.

Il sera également proposé aux associations avec lesquelles le Théâtre de la parole travaille depuis des années.

ADAPTATION COVID

Le premier contact entre le PBA de Charleroi et le Théâtre de la parole a eu lieu lors du tout premier confinement en avril 2020. A cette époque nous pensions naïvement peut-être, que le spectacle qui servirait de « support » aux ateliers pourrait avoir lieu le 15 janvier 2021. Nous avions donc prévu que la première étape du travail de préparation se réaliserait entre septembre et décembre 2020 au rythme propice à chaque partenaire et à l’artiste intervenante. Cette partie du travail a pu être réalisée.

La seconde rencontre qui devait réunir les partenaires et l’artiste intervenante n’a pas pu avoir lieu en présentiel, cependant deux réunions de travail ont eu lieu en visio-conférence entre mars et mai 2021.

Puisque les théâtres et les Lieux culturels sont restés fermés bien au-delà de décembre 2020, la rencontre avec les artistes du spectacle a été annulée puisque le spectacle lui-même a été reporté en novembre 2021.

Vu le délai très long de fermeture du secteur culturel, la reprise de juin n’a pas touché tout le monde de la même façon. Si certains lieux ont pu proposer à nouveau des activités, cela n’a pas été le cas du PBA qui a repris ses activités de programmation et de gestion à partir de septembre 2021 avec les premiers spectacles proposés au public seulement à partir de novembre dont Blanche Neige.

En raison de cette reprise difficile, le travail de médiation avec les familles qui devait avoir lieu en amont de l’atelier et avant le spectacle n’a pas été réalisé.

A la mi-novembre, l’artiste qui devait réaliser les ateliers a prévenu de graves soucis familiaux qui l’ont empêché de poursuivre. Une autre artiste a pu prendre le relais... avec l’accord du PBA. Cela lui a demandé ainsi qu’à la coordination du Théâtre de la parole un travail conséquent de mise à jour dans un délai très court.

Quelques jours avant la date retenue, le PBA a prévenu du manque total d’inscription de familles à l’atelier et a annulé l’atelier et le projet. Cependant nous avons sollicité le versement du montant prévu pour la préparation (montant déjà très en-dessous du coût réel) afin de reverser le cachet à l’artiste, ce qui a été fait.

Référence bibliographique


Ouvrages généraux – utilisés par la coordination et l’artiste intervenante dans la préparation de l’atelier

Isabelle Corpart in Recherches familiales 2018/1, Cairn Info (n°15)

Frédéric Leray, Les mères seules et leurs espaces de vie : mobilités résidentielles et pratiques quotidiennes de l’espace des femmes seules avec enfant(s) en Bretagne. Université de Rennes 2, Université Européenne de Bretagne. Thèse disponible en ligne

Les enjeux actuels du droit de la famille : regards croisés belge et québécois, 2010, disponible en ligne : https://discri.be/wp-content/uploads/Enjeux-actuels-du-droit-à-la-famille-ULB.pdf

Nadine Decourt, Contes et diversité des cultures : le jeu du même et de l’autre, édité par le CRDP de l’Académie de Lyon, 1999 – disponible dans le Centre de littérature orale du Théâtre de la parole

Ouvrages reprenant les versions de Blanche Neige

La bibliographie qui suit, sera mise au service de la médiation du PBA, de l’artiste intervenante et de la coordination.

Mais elle sera aussi proposée aux familles intéressées, puisque certains de ces ouvrages se trouvent repris dans le fonds du Centre de Littérature orale du Théâtre de la parole

Blanche Neige = Classification universelle ATU 709

La petite Toute Belle, in Paul Sébillot, Contes des Landes et des grèves, Terre de Brume, Rennes, 1997, édition originale 1900 (pp. 109-113)

La belle jeune fille et les coupes claires, in Evald Tang Kristensen (collecté par), La Cendrouse et autres contes du Jutland, Corti, Paris, 1999 (pp. 301-305)

Blanche Neige au soleil, in Geneviève Calame-Griaule, Contes tendres, contes cruels du Sahel nigérien, Gallimard, Paris, 2002 (pp. 145-150)

L’arbre d’or et l’arbre d’argent, in Joseph Jacobs, Celtic Fairy Tales, David Nutt, Londres, 1892 (n°11, pp. 88-92)

Le roi Paon, Alcée Fortier, in Louisiana Folkstales, MAFLS II (American Folk-Lore Society), 1895 (n°16, pp. 56-60)

Lune d’or, Anna Angelopoulos & Aegli Brouskou, Catalogue raisonné des contes grecs : types et versions AT 700-749, Maisonneuve et Larose, Paris, 1995 (pp. 140-142)

Blanche Neige, In les frères Grimm (collecté par), Contes pour les enfants de la maison, Corti, Paris, 2009 (pp.295-304)

Graine de grenade, In Praline Gay-Para, Contes populaires de Palestine, Actes Sud, coll. « Babel », Arles, 2003, (pp. 116-127)

Vilfridur plus-belle-que-Vala, in Jon Arnason (collecté par), La géante dans la barque de pierre et autres contes d’Islande, Corti, Paris, 1999 (pp. 34-44)

Le Miroir magique, in Afanassiev, Les Contes populaires russes, Maisonneuve et Larose, Paris, 2000, (pp. 341-348)

Anghjulina, in Geneviève Massignon, Contes Corses, Picard,Paris, 1984 (pp. 171-173)

Boule-de Neige, in Revue des traditions populaires, Contes troyen, Louis Morin, Paris, 1890 (pp. 725-728)

Robert Walser, Blanche-Neige, Corti, Paris, 1987

La plus belle des filles de la terre, Charles Joisten, Une version savoyarde du conte de Blanche-Neige. In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d'ethnologie, n°3-4/1978. (pp. 171-174).

La mère envieuse, in Aurelio M. Espinosa, Blanca Flor et autres contes d’Espagne, Corti, Paris, 2003 (pp. 93-96)

Blanche neige et le soleil, in Anna Angelopoulos, Contes de la nuit grecque, Corti, Paris, 2013, (pp. 71-75)

Rodia, in Anna Angelopoulos, Contes de la nuit grecque, Corti, Paris, 2013, (pp. 78-83)

Le miroir magique, in Arthur et Albert Schott, Contes roumains, Maisonneuve et Larose, Paris, 2001 (pp. 96-101)

Blanche-Neige, in La Grande Oreille, Malakoff, mai 2018, dossier pp. 40-131

Dame Khadra fille, in Contes et légendes de Ouargla. Contes merveilleux plaisants, auteur et éditeur inconnus – collecté en 1976 … pp. 218-225

Pour mieux comprendre la démarche des auteurs.es du spectacle

Interview de Michel Raskine au festival d’Avignon (73e édition) : https://www.theatre-contemporain.net/video/Michel-Raskine-pour-Blanche-Neige-histoire-d-un-Prince-73e-Festival-d-Avignon

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