Les imaginaires au pouvoir ?

Nous disons tout un tas de choses, nous donnons tout un tas de noms aux choses, nous racontons tout un tas d’histoires, et nous nous berçons souvent d’illusions… mais à travers ces paroles, l’acte d’imaginer est présent, « pour conférer au réel un sens qu’il ne possède pas en lui-même » (1)

Cette capacité à imaginer génèrent des fictions. Rien de vérifiable avec des graphiques et des tests de laboratoire, mais seulement des récits. Si certains nous immobilisent dans une sécurité provisoire, d’autres font naitre des élans de vie, des mouvements de résistance, des gestes salvateurs pour faire sens commun et nous permettre d’avancer.

Même lorsque nous nous tournons vers le passé, nous imaginons ce qui a été, par oubli nécessaire, par absence de mémoire totale… en tous les cas, incapables que nous sommes de dire un passé dans l’exactitude de ce qu’il a été.

Si le mois de septembre sera l’ouverture vers une saison consacrée à l’imaginaire au pouvoir, elle a déjà pris racines dans les mois qui ont précédé, traçant son chemin à travers les recherches et les lectures (2), les actions avec les publics, les spectacles proposés et les rencontres avec les artistes ou comme lors du Laboratoire d’imagination insurrectionnelle où un travail de réflexion sensible a été proposé (par Isabelle Frémeaux et Jay Jordan) (3) sur la force de l’imaginaire au service d’une résistance face à ce qui asservi.

Mais quels sens donner aujourd’hui à cette capacité propre aux humains ? Quelles différences existe-t-il entre créer et innover ; entre inventer et imaginer ? Quels sont les verbes utilisés ou récupérés par un système capitaliste qui tend de plus en plus à lier la création à la production et la marchandisation et quelles en sont les conséquences dans nos vies ?

Avec vous, nous ferons la place belle aux récits qui, à travers leur imaginaire, donnent à voir une autre réalité ; nous tenterons de dégager les espaces nécessaires à l’émergence de nouvelles fictions qui donneront peut-être lieu à des actions pour mieux vivre ensemble ; nous inviterons à chercher hors cadre, à titiller l’imagination, à la partager le plus possible.

Parce que l’imagination nous permet de nous projeter dans l’univers de l’Autre, elle est essentielle à l’empathie, parce qu’elle nous permet de donner corps à nos rêves, elle est essentielle au bien être, parce qu’elle nous permet d’inventer dans le plaisir et le jeu, elle est essentielle pour grandir, parce qu’elle parvient encore à échapper à tout contrôle, elle est essentielle à la liberté de penser et d’agir, seulement et seulement si elle est servie par une parole de sens, attentive aux inégalités sociales, respectueuses des références culturelles de chacun.e, enracinée dans les mémoires collectives, mais toujours vive et en éveil.


(1) Nancy Huston, L’espèce fabulatrice, Actes Sud

(2) Rob Hopkins, Et si… on libérait notre imagination pour créer le futur que nous voulons ?, Actes Sud

(3)https://labo.zone/index.php/who/?lang=fr

Edito : la saison 2022-2023 par Magali Mineur